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Le mouvement absurde

 

Article

« L’absurde, c’est l’expression de l’impuissance de l’homme à trouver un sens à l’existence. » Le mouvement absurde s’est développé à un moment de l’histoire où la société en avait besoin. Découvrez son histoire et une de ses œuvres capitales : Le Mythe de Sisyphe.

Le mouvement absurde, histoire et… mythe

 « Toutes mes intuitions, mes pulsions m’orientent vers l’absurde. […]  Jouer avec le sens commun en le tordant, le piétinant. Comme si la seule chose que je pouvais porter sur un plateau devait peindre un monde déchiré par la stupidité, mettant à mal les qualités premières d’une société, où la loi du bon sens n’est plus qu’un concept avec lequel on se torche le cul. »

C’est pendant l’entre-deux guerres que l’absurde a vu le jour, tentant de répondre à un appel à l’aide de la conscience humaine : comment trouver un sens à tout cela. L’absurde, c’est l’expression de l’impuissance de l’homme à trouver un sens à l’existence.

Un endroit où l’on construit le mur dans lequel on va s’écraser. Un endroit où l’on creuse sa tombe à la naissance. …

Absurde, du latin absurdus, qui signifie « dissonant ». C’est ce qui échappe à toute logique, ou en tout cas à La Logique. Mais pour couper cette même logique, c’est aussi un degré de comique. C’est la difficulté de l’Homme à comprendre le monde dans lequel il vit, qui plonge son incompréhension dans la dérision.

« … Mais tout ça avec humour bien sûr, pour faire passer la pilule, pour entrevoir l’espoir qui n’existe que dans un rire. Car qu’est-ce qu’il nous reste aujourd’hui ? »  Braquemard du pendu

La littérature de l’absurde :

Illustration du désarroi de l’homme, comme étranger face à un monde et à une existence dont il ne saisit plus le sens, cette notion produit un effet de non-sens. Parmi les romans traitant de l’absurde se trouvent L’Étranger, d’Albert CAMUS, Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdinand CELINE et Le Désert des Tartares de Dino BUZZATI.

Le théâtre de l’absurde :

Mouvement à part entière, le théâtre de l’absurde est né pendant la Seconde Guerre Mondiale, inauguré en mai 1950 par Eugène IONESCO avec La Cantatrice chauve. Ce terme de théâtre de l’absurde est utilisé pour la première fois par l’écrivain Martin ESSLIN pour qualifier les grandes directions théâtres, puis l’expression est reprise pour désigner les œuvres des auteurs qui voulaient rompre avec la tradition du théâtre occidental et ridiculiser ses codes. C’est malgré tout toujours ce mouvement qui porte un regard désabusé sur la condition humaine et sur l’absence jugée totale de communication entre les êtres. Ce mouvement est porté par le théâtre de IONESCO, BECKETT, ARRABAL ou encore GENET.

 

L’absurde en Philosophie

Bien qu’apparenté dans une certaine mesure à l’existentialisme (SARTRE, La Nausée), Albert CAMUS a réussi à opérer une distinction et en faire une doctrine personnelle, la philosophie de l’absurde. Elle suit une évolution sensible de sa pensée, depuis ses prémices en 42 dans Le Mythe de Sisyphe (essai sur l’absurde), reprise dans L’Étranger et au théâtre dans Caligula et Le Malentendu deux ans plus tard jusque dans La Peste en 1947.

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Le Mythe de Sisyphe, Albert CAMUS

Dans cette œuvre, un chapitre seulement sur quatre est dédié au dit mythe, le premier chapitre s’attache à expliquer la condition absurde, entre autres choses : l’espoir de demain, de ce même demain qui nous rapproche de la mort, l’ennemi ultime pour nous qui vivons comme si nous ne connaissions pas la certitude de la mort. Ce n’est pas le monde qui est absurde, ni la pensée humaine : l’absurde surgit lorsque le besoin humain de comprendre, le désir de raison rencontre le caractère déraisonnable du monde. L’absurde génère une tension permanente entre l’humain et le monde.

« L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde ».

Mais la contradiction doit être vécue, la raison et ses limites reconnus, sans faux espoir. Comprendre l'absurde implique de comprendre tout ce que le monde déraisonnable a à offrir. Lorsque la vie ne se voit plus attribuer de sens, il n'y a plus d'échelle de valeurs. « Ce qui compte n'est pas de vivre le mieux, mais de vivre le plus ». Pour Camus, les trois conséquences de la reconnaissance complète de l’absurde sont la Révolte, la Liberté et la Passion.

La suite se concentre sur des exemples de la vie absurde, illustrés par Dom Juan, le conquérant/le guerrier, et l’acteur. Le comédien, qui joue des personnages cohérents là où sa vie réelle est privée de cette qualité : il explique ainsi la passion des hommes, et la sienne, pour le théâtre. Camus déroule son essai sur l’art absurde, « si le monde était clair, l’art ne serait pas ».

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La partie consacrée au mythe à proprement parler se concentre sur une interprétation des pensées de Sisyphe lorsque ce dernier se découvre contraint à reproduire son action absurde et dénuée de sens pour l’éternité.

Ce héro grec, fondateur de Corinthe, et possible père d’Ulysse, est connu pour la punition qu’il a reçue pour avoir offensé les dieux en se montrant d’une plus grande perspicacité qu’eux, les trompant et les piégeant. Il est condamné à pousser un rocher jusqu’au sommet d’une montagne dans le Tartare, rocher qui, inéluctablement, roule vers la vallée avant que le but du forçat soit atteint.

L’attention de l’auteur se pose sur le moment où le héros prends conscience de sa condition, mais redescend quand même « d’un pas lourd mais égal vers le tourment dont il ne connaîtra pas la fin ». Il n’a pas d’espoir mais « il n’est pas de destin qui ne se surmonte par le mépris ». Sisyphe, l’homme absurde, continue de pousser, et conscient de la futilité de sa tâche alliée à la certitude de son sort, il est libre de réaliser l’absurdité et de parvenir à l’acceptation. Cette acceptation face à sa défaite certaine, qui le délivre et rend son tragique presque sublime. « Il faut imaginer Sisyphe heureux. »

Notre quotidien, comme le sien, est marqué par la répétition (métro, boulot, dodo). Le châtiment de Sisyphe est une métaphore de la condition humaine. Pourtant, l’homme peut se libérer de sa condition d’esclave en prenant conscience du caractère tragique de la vie, Sisyphe est à l’image de ce processus de libération : il ne subit plus son destin de manière abrutie, la conscience est libératrice.

 

Cet article a vu le jour suite au spectacle le Braquemard du pendu, présenté au Théâtre Massalia en 2015.